Les auteurs des arts visuels et agences photographiques voient depuis plusieurs années leurs œuvres exploitées de manière massive par les moteurs de recherches d’images, qui s’approprient en toute impunité la valeur de leurs créations.
En février dernier, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, le Sénat a adopté à l’unanimité un amendement introduisant un dispositif de gestion collective obligatoire en matière de services de recherche et de référencement d’images permettant de garantir une juste rémunération aux auteurs sans empêcher le maintien de ces services.
Le gouvernement a donné un avis défavorable à ce dispositif, non seulement à l’Assemblée Nationale mais aussi mardi dernier devant la Commission Culture du Sénat, qui l’a courageusement réintroduit et nous l'en remercions.
Il est incompréhensible pour les auteurs que le gouvernement maintienne cette position, alors même que le préjudice causé par les moteurs de recherche d’images et leur responsabilité sont reconnus.
Les 20 organisations que nous sommes, représentant les auteurs des arts visuels et les agences, avons adressé à deux reprises ces derniers mois une lettre à la Ministre de la Culture et de la Communication pour lui proposer un travail en commun sur ce texte, mais ces courriers sont restés lettre morte.
Nous attendons du gouvernement qu'il cesse de se cacher derrière de prétendus obstacles juridiques dont nous avons démontré l’inexistence et qu'il assume son devoir envers les auteurs.
La réponse n'est pas seulement juridique... Elle est politique !
Et dans le débat européen en cours relatif à la société de l’information, la France doit être moteur et montrer l’exemple pour la préservation et le développement des secteurs culturels.
Oui ou non, la France souhaite-t-elle protéger ses auteurs spoliés par les acteurs de l’internet depuis de nombreuses années ?
Oui ou non, la France souhaite-t-elle permettre à la création française de continuer à s’exprimer dans les années à venir ?
La culture n’est pas un bien comme un autre. À ce titre, elle mérite une attention particulière justifiant la politique d’exception culturelle menée dans notre pays depuis de nombreuses années.
Le poids du secteur culturel des arts visuels dans l'économie française est considérable ! En 2013, il représentait 313.800 emplois et comptait pour 21.4 milliards d’euros dans la richesse nationale, ce qui en fait le premier secteur culturel de notre pays (Étude EY/France créative 2015).
Or, par l'immobilisme du gouvernement sur la question du partage de la valeur, c'est toute une branche essentielle au rayonnement de notre culture qui est en danger, avec une paupérisation des auteurs, la disparition des agences photographiques et donc la fin programmée de l'exception culturelle française, abandonnée comme une coquille vide.
Les dizaines de milliers d’auteurs que nous représentons ne peuvent admettre la résignation du gouvernement sur ce sujet et cette volonté manifeste d'empêcher l’introduction en droit français d’un mécanisme permettant d’assurer un juste partage de la valeur. Le projet de loi actuellement en discussion offre une exceptionnelle opportunité d’agir enfin en faveur des auteurs des arts visuels. Pour eux, il est urgent d’agir !
Les organisations signataires en appellent solennellement à vous afin que le gouvernement apporte son soutien au dispositif lors de son examen en séance publique à partir du 24 mai prochain.
Nous tenant à votre disposition, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect.
Paris, le 13 mai 2016